C’est l’histoire d’un soldat au retour de la guerre. Usé et meurtri, il aspire à retrouver son foyer. Il ne possède pour seules richesses qu’un vieux manteau en guenilles et son violon. En chemin, le soldat rencontre un vieillard, qui lui propose l’échange suivant : le violon contre un livre magique qui fera de lui un homme riche. De l’or, de la viande, du vin et des cigarettes contre quelques notes de musique… Comment refuser ce pacte quand on est démuni ? Le soldat suivra le Diable et, pensant conquérir la liberté, s’aliènera totalement. Contrat, argent, tromperie… Ne sont-ce pas là des mots d’une extrême actualité ? Pour donner un nouveau souffle à cette suite-ballet composée par Stravinsky en 1918 sur base d’un conte russe traditionnel, le metteur en scène Jean-Michel D’Hoop imagine un dispositif scénique particulièrement inventif, un cercle au cœur duquel prennent place les sept musiciens de l’orchestre et leur chef et autour duquel gravitent l’acteur-soldat-manipulateur et le narrateur. Pour illustrer le combat intérieur auquel est confronté le soldat, Natacha Belova a réalisé de somptueuses marionnettes, véritables excroissances du corps de l’acteur, qui composent sa face sombre et inquiétante. L’œuvre avait fait grand bruit à sa création au sortir de la première Guerre mondiale par le côté novateur et ironique de sa musique, plus proche de l’esthétique des baraques de foire et des cabarets jazz que des traditionnels opéras de chambre. L’adaptation ici offerte lui confère onirisme, modernité et pertinence.